Elles sont riches en protéines, lipides, et pigments. Les microalgues sont un trésor encore largement inexploité. A Saint-Nazaire, la plate-forme Algosolis explore les voies pour produire les bonnes algues, en quantité et à bon prix.
- Miniraffinerie ou serre de culture ? Algosolis, inauguré cet été à Saint-Nazaire, tient un peu des deux. Cela fait un quart de siècle que l’industrie incorpore les microalgues dans les compléments alimentaires, le cosmétique, la pharmacie ou la chimie verte, mais cette plate-forme de recherche, face à l’océan, est la première en France à travailler sur la meilleure façon de produire les microalgues par photosynthèse, et sur leur valorisation. Les microalgues abondent en protéines, lipides, sucres et pigments. Encore faut-il savoir produire les bonnes espèces et en quantité suffisante. Car sur les milliers de souches identifiées, une dizaine sont aujourd’hui valorisées. Ce sont les plus faciles à cultiver.
- D’autres sont plus riches mais délicates à produire à grande échelle. Elle craignent, par exemple, les changements de saison et de lumière.
- Filière riche de promesses
- C’est le défi d’Algosolis, qui met en œuvre vingt lignes de production autonomes, soit autant de procédés de production possibles pour des variétés riches en valeur ajoutée. Le dénominateur commun est la photosynthèse et la voie autotrophique, là ou, ailleurs, d’autres industriels misent sur les fermenteurs, par voie hétérotrophique (il faut nourrir les algues, avec du sucre par exemple). Une technologie plus mature mais au bilan carbone moins favorable. C’est le cas de Fermentalg à Libourne (Gironde) ou de Roquette (Pas-de-Calais).
Les 22 et 23 octobre prochain, un colloque réunira, sur le site d’Algosolis, les acteurs de cette filière riche de promesses, mais où beaucoup reste à prouver. Symbole de la lente maturation des professionnels , une association industrielle « France Microalgues » est en cours de création au niveau national. Aux neuf membres fondateurs, s’ajouteront des fournisseurs d’équipements spécifiques, des applications liées au cosmétique, à la santé… « Objectif : faire connaître les microalgues auprès du grand public et des institutionnels, en expliquant en particulier les bienfaits de ces productions, et en les orientant vers ce qui existe déjà sur le marché », explique Vincent Usache directeur général de Microphyt. Pour lui, on associe les microalgues à l’énergie, aux biocarburants. « Ce sont des marchés de masse, perçus comme inaccessibles. Nous voulons montrer que les microalgues sont aussi accessibles à tous, se développent, et apportent des bienfaits pour l’utilisateur final », ajoute-t-il.
Dans leurs laboratoires, les responsables de Algama se frottent les mains. Leur boisson régénérante bleu vif, à base de spiruline cultivée en bassin ouvert, déjà vendue dans les spa du groupe Accor commence à intéresser la grande distribution et est présentée à l’eExposition universelle de Milan. La start-up qui a conclu un accord avec le groupe nordiste Roquette ambitionne de devenir le premier acteur grand public des microalgues en dehors des compléments alimentaires.
- Du carburant aux algues
L’intérêt de cette matière est qu’elle touche des domaines extrêmement variés. Dans le monde, la production totale est estimée entre 40.000 et 50.000 tonnes. les experts estiment qu’elle a quadruplé en près de huit ans.« Il existe certainement autant de microalgues que de plantes supérieures », poursuit Jérémy Provost, du Gepea, ce laboratoire (université de Nantes, CNRS) de 40 chercheurs à l’origine d’Algosolis. « C’est l’applicatif, c’est-à-dire l’usage , la demande, qui est notre fil conducteur. » Réussir dans les biocarburants, où l’enjeu des volumes est crucial, serait un premier résultat. Le laboratoire de Saint-Nazaire est au cœur du projet Diesalg, associant également le CEA, lequel a ciblé, par criblage haut débit, les souches pour la production de lipides et compatibles avec le diesel. Côté process, le Gepea a abouti à une « voie humide », permettant de raffiner la matière sans avoir à la concentrer ou à la sécher. « Car il ne s’agit pas de dépenser plus d’énergie que l’algue n’en produira », résume Jérémy Pruvost.Algosolis est en mesure de produire de quoi mener des tests moteurs. Airbus est partenaire du projet. S’il est prouvé que l’on peut produire en masse et au bon prix, cette optimisation profitera à d’autres usages notamment pour des biobitumes. Mais, là encore, c’est le prix de revient qui jugera si cette piste est pertinente.
Plus spectaculaire est le projet Symbio2, également mené par Algosolis avec le cabinet d’architectes parisien X-TU. L’idée est de transformer les façades vitrées des immeubles, en serres, d’un vert fluo, pour l’algoculture. De telles façades auraient aussi la vertu de contribuer à climatiser les immeubles. Un petit démonstrateur est en place sur Algosolis, un autre, de 100 mètres carrés, devrait être achevé sur le site du CSTB à Champs-sur-Marne, pour la Cop21 .
En savoir plus sur http://www.lesechos.fr/journal20151007/lec2_pme_et_regions/021337871779-les-microalgues-a-laube-de-lere-industrielle-1162884.php?OpSj1eXVvYwMRtds.99