Dans une grande cuve aménagée dans un pavillon de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), plusieurs litres d’eau sont brassés. Leur couleur verte n’annonce rien de bien appétissant. Et pourtant. Cette couleur est donnée par des micro-algues qui une fois extraites, serviront à produire des savons biologiques.
Ce projet, « un peu utopiste », a été mis sur pied en janvier 2014, entre autres par l’équipe de Simon Barnabé, professeur titulaire de la Chaire de recherche industrielle bio économie/bioénergie région, au Centre intégré des pâtes et papiers de l’UQTR.
Traitement avec des micro-algues
« L’idée, c’est de pouvoir récupérer nos déchets pour en faire un produit fini », détaille Patrick Couture, vice-président développement des affaires, à l’entreprise Sani Marc de Victoriaville, qui fait partie des quatre compagnies associées au projet. Elles le financent à hauteur de 20 %, conjointement avec la Ville, le Consortium de recherche et innovations en bioprocédés industriels au Québec, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et Mitacs, une organisation de recherche.
Spécialisée dans la distribution de produits d’assainissements, Sani Marc rejette entre 20 000 et 30 000 litres d’eaux usées par jour. Des milliers de litres qui sont normalement dirigés vers des stations d’épuration. Mais depuis le lancement de ce projet, ces eaux usées sont plutôt mélangées avec celles des trois autres entreprises partenaires, dans d’immenses bassins. « C’est là qu’on les traite avec des micro-algues. On s’arrange pour qu’elles puissent proliférer ce qui est possible grâce aux nutriments présents dans les eaux usées », détaille Simon Barnabé.
Un petit bouillon de culture qui permet, après cinq à sept jours, de récupérer trois grammes de biomasse par litre. « Cette biomasse est riche en huile et c’est cela que nous allons ensuite extraire. Elle pourra servir à l’élaboration d’un bio savon », poursuit le chercheur.
Coût de fabrication
La croissance de ces algues va aussi chercher du CO2 dans l’atmosphère pour le convertir en oxygène. Une manière de créer dans le futur une mini-forêt à Victoriaville. Car si pour le moment la recherche se fait dans les laboratoires de l’université à Trois-Rivières, la production à l’échelle industrielle de cette huile se fera à Victoriaville, « pour créer une synergie locale entre les différentes entreprises », poursuit le chercheur.
Cette huile pourra remplacer les ingrédients issus normalement de l’industrie pétrochimique qui, eux, ne sont pas renouvelables. De quoi « aider les compagnies à prendre leur virage vert et apporter une valeur ajoutée au traitement des eaux usées », explique Simon Barnabé.
À long terme, l’équipe, composée de douze personnes, devra valider ces premiers résultats probants à plus grande échelle. « Il faut aussi que le produit fini soit accessible. L’objectif est d’arriver à un coût de fabrication au moins égal à celui d’un savon conventionnel », précise Patrick Couture.
L’équipe de chercheurs compte en tout cas poursuivre ses recherches ces prochaines années et espère arriver à un résultat probant d’ici cinq à dix ans. Simon Barnabé estime que le projet coûterait près d’un million de dollars.