Bio-pesticide à base de microalgues

La découverte d’une algue minuscule est-elle en passe de révolutionner l’industrie des produits phytosanitaires ? Découverte par une société bordelaise, elle s’avère en tous les cas efficace à 100 % contre le mildiou… En laboratoire.

Et si demain, les pesticides disparaissaient des traitements infligés à la vigne et… aux hommes qui la cultivent ? L’organisation récente d’un certain nombre d’agriculteurs en association de victimes des pesticides témoigne de l’engagement nouveau de ces professionnels.

Mais une algue microscopique identifiée en septembre 2015 par ImmunRise, une petite société implantée en région bordelaise, est peut-être en passe de changer la face des choses.

Cette algue prélevée au large des côtes bretonnes mais dont le nom est jalousement gardé par Lionel Navarro, le cofondateur de la société, produit des molécules aux vertus bio-pesticides prometteuses.

Elle s’avère pour l’instant efficace à 100 % contre le mildiou de la vigne en laboratoire, à 50 % sur le botrytis (une moisissure aussi appelée «pourriture grise») et sur quatre des sept champignons responsables de l’esca, une maladie du bois qui fait des ravages dans les vignobles du monde entier.

Des tests en plein champ en 2017

De plus, des tests in vitro ont démontré que cette plante minuscule, réduite en poudre, combattait les champignons responsables des principales maladies décimant les filières de la tomate, de la pomme, de la pomme de terre, du blé, de la banane.

Mais avant de trop s’emballer, il lui faudra prouver son efficacité en plein champ pour espérer révolutionner l’agrochimie (lire ci-contre). Dans l’unité de pré-industrialisation basée à Pessac, près de Bordeaux, l’algue est cultivée en salle dans des bacs de 100 litres d’eau de mer reconstituée. Suffisamment développée 15 jours après avoir été injectée dans l’eau, elle est ensuite récupérée sous forme de pâte qui est séchée puis transformée en poudre.

L’agriculteur n’aura alors plus qu’à mélanger cette poudre, qui se conserve plusieurs mois, avec de l’eau pour l’épandre avec ses outils de pulvérisation conventionnels. «Avec un seul traitement, le viticulteur agit sur trois maladies de la vigne», souligne Laurent de Crasto, l’autre co-fondateur d’Immunrise, également œnologue et ingénieur agronome.

Les essais en plein champ sur les terres de l’INRA de Bordeaux, seront lancés lors de la prochaine campagne viticole en avril 2017. Et, en cas de succès, I mmunRise prévoit de commencer par la filière viticole, dans les vignobles de Bordeaux et de Cognac, avant de se tourner vers d’autres cultures.

À l’échelle industrielle, l’idée est de récupérer de l’eau de mer sur les côtes d’Aquitaine, de faire proliférer la microalgue dans des bassins sous le soleil de la forêt landaise.

Et que ça sent bon tout ça. Indéniablement, quand la science, la nature et son infini se rencontrent, le génie a tout ce qu’il faut pour sortir de la lampe.

Laurent De Crasto, Œnologue et cofondateur d’Immunrise

«Profiter d’une richesse nationale»

«La prochaine étape est de conserver l’efficacité observée en phase de test lors des essais plein champ. Un défi qui se relève. Ensuite, il s’agira de financer une ferme pilote pour cultiver cette micro-algue.

Les enjeux de ce projet sont à la fois économique avec la perspective de création d’emplois, écologique avec la préservation de l’environnement, et médical avec la préservation de la santé des acteurs du secteur viticole. Techniquement, le produit pourrait être prêt dans les 2 ou 3 ans.

Mais, il lui faudra passer les contraintes réglementaires de Bruxelles. S’il est classé comme pesticide de synthèse par les instances, il lui faudra entre 6 et 8 ans pour arriver sur le marché. S’il est répertorié comme bio-stimulant, le délai tombera à 2 ou 3 ans. Pour l’heure, l’U.E n’a pas encore tranché.

Nous, nous attendons à une résistance farouche des lobbys phytosanitaires. Pourtant avec cette découverte, la France à l’occasion à moyen terme de sortir du système actuel tout en profitant d’une richesse nationale».

 

Source: Ladepêche et  Science et avenir